Initiative « Notre tracteur roule au biométhane produit sur l’exploitation »
Trois ans après avoir investi dans une unité de méthanisation, quatre exploitations vendéennes ont ouvert une station-service de méthane vert.
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A g ribiométhane est une unité de méthanisation basée à Mortagne-sur-Sèvre, en Vendée, dans laquelle ont investi quatre exploitations produisant du lait, des canards et des porcs. Ce site, inauguré en 2014, injecte actuellement dans le réseau un million de m3 par an de gaz vert. En 2017, les associés ont construit, à 200 m du site, une station-service proposant uniquement du BioGNV, c’est-à-dire du gaz naturel issu de la méthanisation et utilisable par des véhicules dont la motorisation a été adaptée. Pour assurer un débouché à leur production, plusieurs partenariats ont été trouvés avec des entreprises locales, équipées de poids lourds ou de voitures roulant au gaz. Depuis mars 2022, les éleveurs sont allés encore plus loin dans la démarche en choisissant d’investir eux-mêmes dans un tracteur New Holland T6 180 dont le moteur tourne au méthane. « La boucle est bouclée. Nous avons réussi à créer un cercle vertueux pour consommer localement l’énergie produite sur nos fermes, commente Thierry Liard, l’un des dix agriculteurs associés dans Agribiométhane. Actuellement, ce tracteur sert uniquement aux tâches logistiques liées à la méthanisation. Le chauffeur va dans les exploitations pour apporter le digestat et il revient avec du lisier. La tonne ne roule pratiquement jamais à vide. »
Une location auprès du concessionnaire
Le T6 passe donc tout son temps sur la route et ne va pas dans les champs. Il est attelé devant une tonne Joskin de 18 000 l, équipée d’un bras tourelle. Ce tracteur est un peu léger pour tracter une tonne de ce gabarit, mais New Holland ne propose actuellement qu’un seul modèle. En attendant l’arrivée éventuelle au catalogue d’un T7, plus lourd et donc mieux adapté à la tonne, les associés ont trouvé un accord avec la concession vendéenne Ouvrard qui leur a proposé une location plutôt qu’une vente.
Techniquement, le tracteur se différencie d’un modèle standard uniquement par son moteur. Ce n’est pas un diesel, même si plusieurs composants sont similaires. Le fonctionnement au biométhane implique l’installation de bougies, ce qui le rapproche davantage d’un moteur à essence. Le taux de compression du gaz est inférieur à celui d’un diesel mais ce type de moteur dégage plus de chaleur. Le constructeur a donc adapté différents éléments en conséquence avec, par exemple, un refroidissement liquide du turbo.
Comparées à une motorisation standard, les émissions de ce tracteur au gaz sont nettement réduites. L’engin possède donc un système de dépollution beaucoup plus simple que les modèles diesel équivalents : il n’a notamment pas besoin d’Adblue. Autre atout mis en avant par les premiers utilisateurs de ce T6 : le couple moteur est très élevé. Ainsi, dans les montées, le tracteur résiste plus longtemps à l’effort sans rétrograder.
Une autonomie limitée
Le recours au gaz comme unique carburant entraîne néanmoins quelques inconvénients. Pour une même puissance fournie, le gaz occupe un volume quatre fois plus important que le GNR. Les réservoirs du tracteur ont donc été adaptés et New Holland propose un réservoir additionnel fixé à l’avant du tracteur. Malgré cet équipement complémentaire, le tracteur dispose d’une autonomie encore limitée : « C’est le principal point faible de ce tracteur, confirme Thierry Liard. Avec le réservoir additionnel à l’avant, le constructeur parle d’une autonomie de six à huit heures en transport. Mais chez nous le tracteur circule toujours à pleine charge, les réservoirs ne tiennent donc que cinq heures au maximum. Ensuite, il faut repasser à la station pour faire le plein. Heureusement, cela prend moins de dix minutes. »
Sur la question de l’autonomie, la technologie est en plus pénalisée par la réglementation. En France, la norme limite en effet le remplissage des réservoirs à 220 bars, soit 72 kg de méthane, alors que chez nos voisins européens, il est possible de monter à 270 bars, donc d’embarquer jusqu’à 90 kg de gaz, soit 20 % de plus. Autre contrainte réglementaire : l’obligation d’employer un réservoir fixé au châssis, ce qui exclut l’usage de bonbonnes interchangeables qui seraient placées sur le relevage. Cette solution aurait pourtant plusieurs avantages, notamment le ravitaillement possible au champ au moyen d’un second réservoir ou l’utilisation d’un chargeur frontal en plaçant le réservoir additionnel à l’arrière. Le tracteur gagnerait alors en polyvalence et le recours au gaz comme carburant pourrait intéresser un public beaucoup plus large. Le constructeur espère trouver à l’avenir un système de cuve sur relevage qui soit homologable.
Moins cher que le GNR
Sur le plan économique, ce T6 au gaz coûte environ 15 % de plus qu’un modèle standard. Mais il s’agit encore d’une production confidentielle. Chez les éleveurs d’Agribiométhane, la rentabilité ne fait aucun doute : « Il nous coûte moins cher à l’heure qu’un modèle au GNR, affirme Thierry Liard. En quantité, les consommations sont équivalentes, mais avec le biométhane, le rendement est meilleur. Le prix du carburant fait aussi la différence : puisque le prix au kg est inférieur de 30 à 35 centimes environ, c’est donc de 25 à 30 % d’économies. Pour le moment, le tracteur répond bien à nos attentes, bien qu’il soit un peu trop léger pour notre usage. Nous espérons que le constructeur agrandira sa gamme prochainement pour offrir plus de modèles. »
denis LehéPour accéder à l'ensembles nos offres :